Bien souvent, les investisseurs n’accordent pas une grande importance à la culture d’entreprise au moment d’évaluer le potentiel commercial et celui du rendement. Pourtant, les normes culturelles peuvent faire toute la différence entre échec et réussite, en particulier pour les sociétés en croissance, qui prospèrent grâce à l’innovation et se doivent d’être flexibles pour s’adapter à l’évolution des tendances.

La culture d’entreprise est un thème peu abordé dans les communications officielles. Contrairement au compte de résultat, au bilan et aux informations sur l’activité, principaux éléments du rapport trimestriel, le comportement interne au sein d’une entreprise a généralement peu d’influence sur les cours de bourse. Nous sommes toutefois persuadés que la culture d’entreprise est le secret d’une croissance durable. En effet, dans une économie basée sur les connaissances, il est essentiel de cultiver le capital humain afin de développer une activité pérenne. De plus, pour les investisseurs inscrits dans une démarche axée sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance, il s’agit d’un aspect primordial qui leur permet de dialoguer plus efficacement avec les équipes dirigeantes et les parties prenantes, et d’intégrer la recherche sur la culture d’entreprise dans les perspectives d’activité.

Les principales entreprises en croissance ont des cultures dynamiques

Il suffit de regarder les sociétés les mieux placées dans l’indice Russell 1000 Growth. Facebook, une des cinq plus grandes entreprises en termes de capitalisation boursière, n’existait même pas en 2000, alors que Google et Amazon étaient tout juste des start-ups. Apple, Microsoft et Amazon.com (qui existaient en 2000) n’ont eu de cesse de se réinventer pour rester au sommet. Toutes les cinq sont des entreprises exceptionnelles, développées sur la base d’idées nouvelles et de la volonté de prendre des risques calculés. À l’inverse, les plus grandes sociétés de croissance américaines en 2000 avaient à l’époque beaucoup plus de ressources, mais n’ont pas réussi à tenir le rythme (à l’exception de Microsoft) et ont fini par être dépassées (graphique).

Principales caractéristiques d’une culture saine

Qu’est-ce qui définit une culture d’entreprise ? Une culture saine valorise l’apprentissage, la découverte, l’expérimentation et surtout la confiance et la responsabilisation. Les cultures qui mettent l’accent sur une évaluation en continu peuvent éviter de tomber dans le piège de la « pensée de groupe », qui défend aveuglément des opinions et des pratiques très ancrées. Selon nous, une culture de croissance fructueuse repose sur trois aspects essentiels :

  • Des leaders visionnaires— les hauts responsables montrent l’exemple en matière de comportements quotidiens et de définition d’objectifs à long terme. Il n’est donc pas étonnant que les leaders les plus emblématiques de la culture d’entreprise soient des PDG charismatiques, influents et visionnaires.
  • De la flexibilité dans un esprit d’équipe— les cultures de croissance les plus efficaces reposent sur l’esprit d’équipe, mais en toute flexibilité. Jeff Bezos a popularisé le concept de « l’équipe à 2 pizzas » : si 2 pizzas ne suffisent pas pour nourrir une équipe, c’est que celle-ci est trop grande. Les groupes de travail doivent être à taille humaine et favoriser la diversité et la transparence. Ils n’hésitent pas à produire et à recevoir des retours honnêtes, et comprennent que leur contribution doit sans cesse se renouveler pour alimenter l’innovation.
  • Des incitations motivantes— comme le sait tout investisseur, la performance passée ne préjuge pas des résultats futurs. De la même manière, une rémunération basée sur les réalisations passées est moins efficace que d’encourager les employés par des incitations en lien avec leurs objectifs futurs, les motivant ainsi à réussir.

Beaucoup d’entreprises commettent cette erreur. Elles n’apportent que des changements mineurs, en réaction aux conditions de marché existantes, tout en minimisant le risque à court terme afin d’atteindre leurs prévisions de bénéfices. Ce faisant, elles renforcent le risque que la performance soit influencée par un système d’incitations financières à court terme, une approche qui, bien trop souvent, ne permet pas de libérer tout le potentiel de créativité de leurs employés.

Cinq questions à se poser

Lorsque la créativité est bridée, les entreprises font l’erreur de maintenir le statu quo au lieu d’anticiper l’évolution du monde. Celles qui n’innovent pas, n’améliorent pas leur efficacité ou ne valorisent pas le bon talent sont incapables d’augmenter durablement leurs marges et leur rentabilité. Comment les investisseurs peuvent-ils donc distinguer les entreprises ayant une culture dynamique ? Les cinq questions ci-dessous constituent un bon point de départ pour repérer les potentiels leaders de 2040.

1. Quel type d’innovation est financé ? La plupart des entreprises investissent dans l’innovation, mais souvent en se contentant d’imiter les autres. Regardez attentivement où va l’argent.

2. Le contrôle des coûts dissimule-t-il un manque de créativité ? Réduire les coûts est un moyen assez facile de doper la rentabilité, au moins pour quelque temps. Cela exige moins de créativité (et comporte généralement moins de risque) que d’investir dans une nouvelle idée sans certitude. Des mesures continues de réduction des coûts peuvent être le signe d’un manque de vision ou de courage nécessaire pour identifier et investir dans des opportunités commerciales prometteuses.

3. Quelle est la taille du réservoir d’idées ? Lorsque les dirigeants relèvent le niveau d’exigences en vue de financer de nouvelles idées, ils réduisent l’éventail des opportunités de nouveaux produits ou services. Ne vous laissez pas berner par une rentabilité solide si la croissance organique est limitée. Moins d’idées signifie aussi que l’échec sera plus coûteux si l’entreprise fait les mauvais choix.

4. Trop d’acquisitions ? Gare aux entreprises qui réalisent d’importantes acquisitions technologiques directement au sein de leur activité principale. Il s’agit souvent d’un signe de sous-investissements dans le passé et d’une culture de croissance défaillante.

5. Que nous apprennent le sentiment des employés et le système des incitations ? L’humeur de l’employé moyen peut compter tout autant que le ton donné par les dirigeants pour évaluer la culture d’entreprise. La taille et la structure de la rémunération, l’implication et l’évolution, la diversité des expériences, l’orientation des équipes, les taux de départs et la satisfaction sont autant de critères qui méritent votre attention. En dialoguant avec les entreprises et leurs parties prenantes, ou s’informant sur des sites comme Glassdoor ou LinkedIn, les investisseurs peuvent obtenir un aperçu du sentiment qu’inspirent les employeurs.

Entretenir la motivation même en période de crise

Quelle que soit la taille de l’entreprise, une bonne culture offre de meilleures chances de surmonter les crises comme celle du coronavirus. Les entreprises qui font confiance à leurs employés sont mieux placées pour passer facilement au télétravail. Entretenir la motivation des équipes pendant une crise est beaucoup plus facile lorsque le bien-être des employés est valorisé dans les bons moments comme dans l’adversité. Selon nous, la pandémie de COVID-19 constitue une véritable mise à l’épreuve durant laquelle les entreprises dotées de cultures véritablement innovantes disposeront d’un avantage majeur pour s’en sortir.

Même dans les périodes fastes, il n’est pas facile d’identifier un vrai potentiel de croissance. Beaucoup d’entreprises qui poursuivent de nouvelles idées n’ont pas atteint une taille suffisante pour dégager une rentabilité convenable. Mais celles qui disposent d’une culture équilibrant la flexibilité à court terme avec leurs objectifs à horizon plus long sont selon nous souvent mieux armées pour générer une croissance durable. En considérant la culture comme partie intégrante de la recherche fondamentale, et par le biais d’un dialogue régulier avec les équipes dirigeantes, les investisseurs peuvent déceler des entreprises en croissance prometteuses, et ce avant que leur potentiel se reflète dans leurs valorisations.

Les opinions ici exprimées ne sauraient être considérées comme une recommandation en vue de réaliser une quelconque transaction, un conseil en investissement ou le résultat de recherches. Elles ne reflètent pas nécessairement l’opinion de l’ensemble des équipes de gestion de portefeuille d’AB et peuvent évoluer à tout moment.

Frank Caruso est Chief Investment Officer de la stratégie US Growth Equities d’AB

Chris Kotowicz est Senior Research Analyst de la stratégie US Growth Equities d’AB

Ryan Oden est Research Analyst of Equities chez AB

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