Inflation : pourquoi les modèles de ruptures offrent un chemin mieux balisé ?

19 novembre 2021
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L’inflation et la montée des taux d’intérêt ont incité de nombreux investisseurs en actions à revoir leur position à l’égard des entreprises technologiques et qui affichent une croissance soutenue. Mais l’environnement inflationniste actuel est différent, tout comme les entreprises les mieux placées pour s’élever au-dessus de la mêlée.

Cela faisait longtemps que la hausse des coûts n'avait pas fait de l’ombre aux marchés boursiers mondiaux. Une certaine inflation et des hausses de taux sont des phénomènes habituels en période de reprise économique. Mais après un bond de 6,2 % des prix à la consommation aux États-Unis en octobre, soit la plus forte hausse annuelle de l'inflation observée ces trente dernières années, les investisseurs ont le sentiment que ces phénomènes pourraient perdurer. Le point mort d’inflation à 10 ans, qui mesure les attentes des investisseurs américains en matière d'inflation pour la prochaine décennie, a de fait atteint 2,70 % en novembre, son niveau le plus élevé depuis 2012.

Des tensions inflationnistes peut-être tenaces, mais favorables aux acteurs de la rupture

D'un point de vue historique, l'inflation et la hausse des taux ne sont pas les alliés des sociétés à forte croissance, dont les valorisations sont basées sur la valeur actuelle des bénéfices futurs. Mais nous pensons que le type d'inflation qui se développe dans l'économie mondiale de l'après-COVID-19 peut donner une impulsion aux entreprises de rupture à forte croissance et leur permettre de surperformer.

Certaines pressions inflationnistes pourraient être temporaires, en particulier celles déclenchées par des pénuries liées aux arrêts de production subis durant la pandémie de COVID-19. Et avec la réouverture progressive des économies, la plupart des prix devraient connaître une normalisation sous l’effet du rééquilibrage de la dynamique de l'offre et de la demande.

L'inflation pourrait toutefois s’avérer plus permanente dans d'autres pans de l'économie où les changements sont plus durables et plus influents. La main-d'œuvre, les matériaux et l'énergie par exemple, connaissaient déjà des mutations régulières avant la pandémie, que la crise n’a fait qu’accélérer. Et dans la mesure où la hausse des coûts risque de perdurer dans l'ensemble de l'économie, il faudra développer des modèles d'entreprise novateurs et capables de changer la donne pour surmonter ces pressions supplémentaires. C'est une bonne nouvelle pour les investisseurs qui considèrent que l'innovation de rupture n'est pas seulement une nécessité, mais aussi l'occasion d'investir dans le monde de demain en profitant dès aujourd'hui d'un potentiel de croissance important.

Les perturbateurs ciblent une main-d'œuvre transformée et des salaires stables

L'augmentation des coûts de la main-d'œuvre découle tout autant d'une certaine introspection que de la recherche d’emploi. D’une manière générale, les salaires progressent lorsque les économies se redressent, car les changements de carrière sont plus nombreux et les entreprises se disputent les candidats au remplacement en proposant des salaires plus élevés. Mais il ne s'agit pas d'un pic d'embauche classique et les transformations du marché du travail opérées durant la crise resteront d'actualité lorsque les choses rentreront dans l'ordre.

Le télétravail, par exemple, a changé la façon dont les personnes envisagent leurs emplois. Ce qui a commencé comme une mesure de précaution astucieuse pendant le COVID-19 est désormais devenu un atout indispensable pour des millions d’actifs. Nombreux sont ceux qui préféreraient changer d'emploi plutôt que de revenir dans les bureaux. D'autres reconsidèrent l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée ou envisagent la possibilité d’une retraite anticipée. Ces tendances et d’autres, qui donnent à réfléchir, contribuent à expliquer le fait que 3 % des travailleurs américains aient démissionné volontairement en août, un chiffre record.

Un grand nombre des personnes qui changent d'emploi se lancent dans la « gig economy » (qui peut se traduire par « l'économie des petits boulots »), que 2 millions de personnes supplémentaires sont venues gonfler aux États-Unis en 2020. Ces travailleurs, au nombre de 1,1 milliard dans le monde, sont notamment attirés par l'indépendance, la flexibilité et les avantages que leur offre ce mode de fonctionnement. D'ici 2023, le volume brut projeté de la « gig economy » mondiale pourrait atteindre, selon une étude menée par Statista, 455 milliards de dollars. Cette évolution de la dynamique de l’emploi constitue une abondante source de main-d'œuvre pour des entreprises telles qu’Uber Technologies, Lyft et DoorDash, ou oriente un plus grand nombre d'utilisateurs vers des plateformes d'emploi en ligne telles que Glassdoor, Indeed et Fiverr. Et comme les créations d'entreprises n'ont jamais été aussi nombreuses (4,4 millions aux États-Unis en 2020, selon le US Census Bureau), la demande en solutions novatrices de tenue de registres et d'informatique dématérialisée destinées aux petites entreprises, fournies par des sociétés telles que Bill.com et HubSpot, s'envole. Ces dernières années, la pénurie de main-d’oeuvre s'est particulièrement accentuée dans les secteurs de la fabrication et des transports (graphique).



Cette tendance est pourtant également source d'innovation et d'opportunités pour les investisseurs à long terme. Le commerce omnicanal, dans lequel les détaillants s'adressent aux clients de multiples façons, est en plein essor, ce qui fait grimper la demande de spécialistes de la logistique et des entrepôts. Pour la période des fêtes à venir, de plus en plus de détaillants se battent pour attirer du personnel en dépit de l'augmentation des salaires et des avantages. Ils pourvoient de ce fait des milliers de postes vacants par une amélioration de leurs processus d’automatisation et génèrent une demande durable de solutions robotiques et d'intelligence artificielle.

Le modèle de robot collaboratif de Teradyne, par exemple, exécute des tâches ordinaires telles que le tri et le bin-picking (prélèvement de pièces par détection automatique). La société de logiciels d'entreprise Zebra Technologies optimise quant à elle les flux de travail et les stocks au niveau des entrepôts et des centres de distribution. Et un jour prochain, le fabricant de caméras intelligentes Ambarella contribuera à l’avènement d’une nouvelle ère de livraisons et de transports longue distance plus rapides, gérés par des véhicules autonomes.

Les acteurs de l'innovation sont présents aux quatre coins de l'économie

Au lendemain de la pandémie, les pénuries de produits sont généralisées. Dans l'industrie automobile, les bénéfices des constructeurs sont plombés par une pénurie de puces, lesquelles font tout fonctionner dans les véhicules modernes. L'industrie manufacturière, les services aux collectivités et l'industrie minière en général sont toujours en difficulté elles aussi. La production industrielle américaine s’est contractée de 1,3 % au cours du seul mois de septembre, soit la plus forte baisse constatée depuis février.

Les entreprises innovantes se pressent pour apporter leur aide, en fournissant des technologies et des logiciels intelligents destinés à consolider les chaînes d'approvisionnement mondiales et à soutenir le rebond de la production, de l'entreposage, du transport et de la logistique. Par exemple, la société japonaise Keyence, premier fournisseur de solutions de capteurs, contribue à l'automatisation des usines à l'échelle mondiale, tandis que la société française Dassault Systèmes joue un rôle de plus en plus important dans la numérisation et l'automatisation des processus de fabrication 3D et autres.

L'énergie est elle aussi en pleine métamorphose. Le total des capitaux engagés dans de nouveaux projets pétroliers a atteint un pic en 2013 et un nouveau creux en 2021, tandis que l'épuisement des capacités non utilisées est probablement à l'origine des pressions mondiales haussières sur les prix des combustibles fossiles. Dans le même temps, la volonté mondiale de limiter les émissions de carbone se traduit par une accélération de l'innovation dans le domaine de l'énergie. En fait, les investissements mondiaux dans les carburants et les procédés plus propres ont augmenté de 9 % en glissement annuel pour atteindre 538 milliards de dollars américains en 2020. Les énergies renouvelables et les transports électrifiés en sont les principaux bénéficiaires depuis 2015. (graphique).



La trajectoire économique de la transition n'est néanmoins probablement pas assez rapide pour que soient réalisés des objectifs climatiques ambitieux. À l'heure actuelle, le gaz et le charbon représentent encore plus de 50 % de la production mondiale d'électricité. En dépit des progrès accomplis, il reste encore beaucoup à faire selon nous pour accélérer la marche vers les objectifs mondiaux de neutralité carbone récemment confirmés par les dirigeants mondiaux lors de la COP26 des Nations unies, tout en maîtrisant l'appréciation des prix des matières premières qu’induit la raréfaction de l’offre. Selon nous, l'accélération des investissements dans les initiatives et les alternatives énergétiques créatives constitue le meilleur moyen de réduire la dépendance mondiale envers des sources d'énergie de plus en plus coûteuses et dangereuses pour le climat.

Des opportunités d'investissement dans des solutions d'énergie alternatives de rupture verront ainsi le jour. La demande croissante et la baisse des coûts devraient soutenir la croissance des acteurs du domaine de l'énergie solaire, tels que le fabricant d'onduleurs Enphase Energy et l'installateur de systèmes d’énergie solaire résidentiels Sunnova Energy International. De même, il sera impossible de viser ou de parvenir à une utilisation à grande échelle des véhicules électriques sans avoir recours à des matériaux ou à des solutions de gestion des batteries fournis par des entreprises telles que Wolfspeed et Analog Devices, qui contribuent à améliorer l'efficacité et l'autonomie des batteries.

Le biais de la valorisation ne doit pas occulter les opportunités à long terme

L'inflation et la montée des taux peuvent, à court terme, affecter les cours des actions des entreprises innovantes et à croissance rapide. Cela fait longtemps que nous considérons l'innovation de rupture comme un facteur de déflation dans de nombreux secteurs. Toutefois, dans les domaines où les forces inflationnistes seront plus constantes, les acteurs de la rupture joueront un rôle encore plus crucial à long terme lorsqu’il s’agira de relever les défis que pose une économie post-pandémie, en offrant de meilleures opportunités et une croissance étonnamment rapide.

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