Trois modèles économiques attrayants
Au sein du secteur, nous identifions trois modèles économiques susceptibles d’offrir des sources durables de potentiel de croissance à long terme.
Prestataires de services et fournisseurs de pièces détachées. Pour certaines entreprises, vendre la machine ou l’outil industriel initial constitue bien souvent la simple passerelle qui mène à des flux de trésorerie à plus long terme. Les instruments de base de l’industrie nécessitent d’être régulièrement entretenus et fournis en pièces détachées pour continuer à fonctionner sans interruption. Les pièces détachées et les services connexes ne sont généralement pas des éléments discrétionnaires. Ils font l’objet d’achats récurrents et doivent fréquemment être acquis auprès de l’équipementier d’origine, ce qui sous-entend des marges élevées.
Les revenus peuvent nous en apprendre beaucoup. Nous distinguons les revenus issus des dépenses d’investissement (capex) et ceux qui découlent des dépenses d’exploitation (opex). Les commandes de type capex consistent en d’importants achats ponctuels (une machine colossale servant à l’exploitation minière par exemple) et sont plus sensibles aux cycles macroéconomiques. Les opex représentent quant à elles des coûts récurrents (pièces détachées ou services de maintenance pour équipements miniers par exemple), qui tendent à être beaucoup moins exposés au cycle économique.
Basé en Écosse, le Groupe Weir fabrique des équipements miniers, tels que des pompes à boue qui transportent les déchets d’opérations minières. L’entreprise tire environ 80 % de son chiffre d’affaires de l’après-vente, ces machines ayant besoin de pièces détachées plusieurs fois par an pendant les 15 années de leur durée de vie. Au regard de la part de marché du Groupe Weir, nettement supérieure à celle de son principal concurrent, son modèle économique offre un potentiel de croissance résilient à travers les cycles macroéconomiques. Et comme la pompe à boue est essentielle au bon fonctionnement de la mine, les clients sont disposés à payer un supplément afin d’acquérir des pièces Weir d’origine plutôt que les produits moins chers des concurrents.
Acquéreurs en série et consolidateurs. Sur des segments de marché fragmentés, certaines entreprises peuvent renforcer leur avantage concurrentiel en opérant des acquisitions stratégiques. De telles opérations peuvent consister à racheter des petits concurrents locaux, puis à passer à la vitesse supérieure en ciblant des entreprises régionales, voire mondiales.
Acquéreur en série, le Suédois Beijer Ref vend des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation et génère la majorité de son chiffre d’affaires d’activités récurrentes de maintenance et de commerce de pièces détachées. Sa croissance organique a bénéficié de la demande de systèmes d’efficacité énergétique et de réfrigération respectueux de l’environnement. Parallèlement, Beijer Ref a acquis plus de 50 entreprises depuis 2004, ce qui lui confère une plus grande envergure dont elle peut tirer parti afin d’obtenir de meilleurs prix auprès de fournisseurs et de consolider son avantage concurrentiel. Lorsqu’elles sont menées à bien, les acquisitions d’entreprises déjà opérationnelles peuvent constituer de précieux moteurs de croissance supplémentaire ainsi que de développement organique de la société.
Transformateurs numériques. La ligne de démarcation entre technologie et industrie se brouille. De nombreux produits industriels sont adaptés à l’ère du numérique au moyen de dispositifs de connectivité, de capteurs pour l’acquisition de données et autres fonctionnalités logicielles. L’Europe n’a peut-être pas de leaders de l’intelligence artificielle tels ceux présents aux États-Unis, mais ses entreprises industrielles contribuent à l’avènement de l’IA. Citons à cet égard les fabricants de câbles électriques, d’appareillages de commutation, de disjoncteurs et de transformateurs utilisés dans les centres de données et les réseaux électriques en général. De telles entreprises présentent des avantages pour les investisseurs : dès lors qu’elles profitent de la large dynamique de croissance de l’IA, il devient inutile de parier sur un leader technologique spécifique dans ce domaine.
Le Français Schneider Electric compte parmi les principaux bénéficiaires européens de l’envolée de la demande pour l’IA et les centres de données. L’entreprise fournit bon nombre des produits électriques et une grande partie des logiciels qui assurent le bon fonctionnement des centres de données. Ces derniers représentent désormais 23 % du carnet de commandes de Schneider Electric, dont les clients définissent des plans de dépenses pour les cinq prochaines années. Le poids des logiciels dans les activités de l’entreprise, de plus en plus axées sur le numérique, a également augmenté, ce qui lui permet d’améliorer ses marges et d’obtenir une meilleure visibilité quant à la croissance future des revenus.
La visibilité, source de potentiel de performance fiable
Ces types de moteurs de croissance ne sont pas mutuellement exclusifs. Les acquéreurs en série comme Beijer Ref peuvent aussi bénéficier de flux de revenus récurrents provenant de pièces détachées. Les transformateurs numériques tels Schneider Electric ont également procédé à des acquisitions stratégiques. Les entreprises industrielles qui affichent une ou plusieurs des caractéristiques de ces modèles économiques offrent à nos yeux des opportunités d’investissement attrayantes.
Établir les paramètres adéquats permet de dénicher des entreprises industrielles prometteuses qui n’ont rien à voir avec les industries à forte intensité capitalistique d’autrefois. Par ailleurs, grâce à un cadre de recherche fondamentale cohérent, les investisseurs en actions faisant preuve de sélectivité ont la possibilité d’identifier des entreprises industrielles qui ont une bien meilleure visibilité sur la trajectoire de leur croissance future et de leurs revenus à long terme.