Serait-il risqué de miser sur les actions de la santé en pleine année électorale aux États-Unis ?

27 février 2024
3 min read
Vinay Thapar, CFA| Co-Chief Investment Officer and Senior Research Analyst—US Growth Equities; Portfolio Manager—Global Healthcare
Edward Bryan, CFA | Portfolio Manager—Sustainable Global Small Cap Portfolio; Senior Research Analyst—Sustainable Thematic Equities

Malgré les idées reçues, l’incertitude politique n’est pas nécessairement synonyme de risques considérables pour le secteur de la santé.

En novembre, les Américains se rendront aux urnes pour élire un président, réorganiser le Congrès et se prononcer sur de multiples élections locales et d’État. Les investisseurs estiment souvent que les actions du secteur de la santé constituent un pari risqué lors des années électorales, mais l’histoire nous donne une tout autre vision des choses. Cette fois, la perspective d'un gouvernement divisé pourrait constituer un facteur favorable.

Même des changements minimes au niveau du pouvoir politique peuvent déboucher sur une nouvelle législation ayant des implications significatives pour les actions du secteur de la santé. À première vue, 2024 ne devrait pas faire exception à la règle. Le prix des médicaments est un sujet sensible, puisque les élus de droite comme de gauche dénoncent le coût élevé des médicaments délivrés sur ordonnance.

La perception face à la réalité : actions du secteur de la santé et politique

Il est vrai que les politiques des pouvoirs publics peuvent avoir un impact sur les valeurs de la santé, mais l'incertitude politique n'est pas toujours synonyme de turbulences sur les marchés. En réalité, le secteur de la santé ne manifeste aucun schéma de rendement régulier ni aucune volatilité extrême au cours des années électorales (Illustration).

Des performances irrégulières pour le secteur de la santé lors des années électorales
Des performances irrégulières pour le secteur de la santé lors des années électorales

La performance passée n’est pas une garantie de résultats futurs.
* Volatilité basée sur l'écart-type des performances quotidiennes au cours des années civiles de l'indice MSCI World Healthcare par rapport au MSCI World.
Au 31 janvier 2024
Source : MSCI et AllianceBernstein (AB)

Pourquoi ce décalage entre la perception et la réalité ?

D'une part, les sociétés américaines implantées à travers le monde ne sont pas toujours liées à des mandats typiquement américains en matière de soins de santé. En outre, 10 % du PIB mondial est consacré à la santé, une dynamique structurelle qui devrait s'amplifier avec le vieillissement des populations, indépendamment de l’évolution des politiques à court terme. Même les entreprises davantage axées sur le marché domestique peuvent avoir des modèles économiques qui sont partiellement à l'abri des risques liés à la réglementation et au remboursement aux États-Unis. Parmi celles-ci figurent les piliers de l’industrie (les fabricants de « pelles et pioches ») qui interviennent en coulisses pour approvisionner les laboratoires pharmaceutiques, les fabricants de matériel médical et les hôpitaux.

Il est peu probable que les entreprises de diagnostic et de services logiciels subissent des pressions politiques, notamment parce qu’elles peuvent contribuer à réduire les coûts des systèmes de santé. Les entreprises du secteur de la santé commencent également à s’interroger sur la manière d’utiliser l’intelligence artificielle pour créer des efficiences au profit des systèmes de santé et des patients - une tendance qui, selon nous, ne risque pas d'être freinée par la politique.

À cela s'ajoute la réalité d'un gouvernement divisé. C'est le cas aujourd'hui et cela pourrait à nouveau l'être après les élections de novembre. Un tel gouvernement divisé, où le parti du Président ne contrôle pas le Congrès, n'est généralement pas de bon augure pour l'adoption de nouvelles lois d'envergure, en particulier au cours d'une année électorale. Cela limite également le risque de coupes budgétaires qui pourraient mettre en péril le financement de grandes agences américaines, comme la Food and Drug Administration et les instituts nationaux de santé (NIH).

La législation peut jouer un rôle de catalyseur pour les dépenses de santé

Mais même lorsqu'une nouvelle législation est adoptée, celle-ci ne pèse pas systématiquement sur le secteur de la santé. Prenons l'exemple de ces deux dernières années.

La loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act, IRA) de 2022 a accordé de nouveaux pouvoirs à Medicare en matière de négociation des prix des médicaments, tout en plafonnant les frais d'insuline à 35 dollars par mois pour les bénéficiaires de Medicare et en incitant les sociétés pharmaceutiques à freiner les hausses de prix.

Dans un premier temps, les grands groupes pharmaceutiques ont craint que cette législation n'entrave l'innovation. Pourtant, les estimations des dépenses en recherche et développement (R&D) dans le secteur biopharmaceutique laissent entrevoir des niveaux d'investissement toujours élevés après l'adoption de l'IRA. Les dépenses en R&D devraient progresser d'au moins 4 à 5 % au cours des prochaines années, dans la mesure où les sociétés s'appuient sur les progrès réalisés dans les domaines de la génomique et de l'intelligence artificielle pour mettre au point de nouveaux médicaments (Illustration).

Les prévisions de dépenses en R&D des sociétés biopharmaceutiques demeurent solides
Les prévisions de dépenses en R&D des sociétés biopharmaceutiques demeurent solides

Les performances passées et les analyses actuelles n’offrent aucune garantie quant aux rendements futurs.
Sur la base de 37 sociétés biopharmaceutiques mondiales ayant réalisé un C.A. d'au moins 5 milliards USD au cours des 12 derniers mois. Hors frais importants de R&D liés aux acquisitions et aux licences.
Au 31 décembre 2023
Source : FactSet, TD Cowen et AB

Malgré les inquiétudes suscitées par le renforcement de la surveillance antitrust, les fusions-acquisitions ont également progressé ces derniers temps dans le secteur thérapeutique, de grandes sociétés pharmaceutiques faisant l'acquisition de petites entreprises biotechs afin d'élargir leur portefeuille de produits et d'accélérer la croissance de leur chiffre d'affaires. Cette activité sur le front des acquisitions a stimulé le financement du secteur biotech et dopé le moral des investisseurs.

Gardez un œil sur les risques, mais concentrez-vous sur le modèle économique

Bien entendu, les investisseurs prudents doivent être attentifs à l'environnement réglementaire et politique et tenir compte d'éventuels changements de politique dans l'analyse fondamentale des entreprises du secteur de la santé. Pour l'heure, nous nous intéressons aux tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, ainsi qu'aux implications pour les biotechs, qui constituent une préoccupation croissante en matière de sécurité nationale. Si elles ne sont pas résolues, ces deux problématiques pourraient conduire à un renforcement de la réglementation et à de nouvelles restrictions commerciales. Sans oublier bien sûr le risque de voir apparaître quelques accès de volatilité sur les marchés à l'approche du mois de novembre.

En définitive, nous pensons toutefois que les investisseurs ont tout intérêt à se concentrer sur les modèles économiques des entreprises plutôt que sur les batailles budgétaires. En axant leur allocation au secteur de la santé sur les actions présentant des fondamentaux solides, des flux de revenus récurrents et des moteurs de croissance de qualité, les investisseurs pourront maintenir le cap, quelles que soient les perturbations sur le marché. Les sociétés qui cherchent à créer des efficiences dans les systèmes de soins de santé devraient également mieux résister à une éventuelle réforme du secteur après les élections.

Gardez également à l'esprit que plusieurs segments de la santé affichent des valorisations attrayantes d'un point de vue historique. Une fois les élections passées et le Congrès en place, les turbulences boursières à court terme - pour autant qu'elles se manifestent - pourraient créer des opportunités d'achat encore plus intéressantes pour certaines sociétés de qualité. 

Au fil du temps, le système de soins de santé américain a survécu à de nombreux changements de régime. À l'approche du mois de novembre, les investisseurs ont tout intérêt à ne pas se laisser déconcentrer par les considérations politiques à court terme et à rester fidèles à leurs objectifs d'investissement sur le long terme. Si vous optez pour certaines valeurs de la santé dans le cadre d'un portefeuille d'actions bien structuré, vous pourrez exploiter différentes sources de rendement au sein d'un secteur qui, selon nous, a bien plus à offrir que les humeurs changeantes des politiques.

Les opinions ici exprimées ne sauraient être considérées comme une recommandation en vue de réaliser une quelconque transaction, un conseil en investissement ou le résultat de recherches. Elles ne reflètent pas nécessairement l’opinion de l’ensemble des équipes de gestion de portefeuille d’AB et peuvent évoluer à tout moment.

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